L'ADEME nous parle de la décarbonation
Fiona Panico est Ingénieure Transition Énergétique à l’ADEME Bourgogne-Franche-Comté. Elle pose d’emblée que l’engagement dans une démarche de décarbonation génère trois bénéfices pour les entreprises :
- Une réduction des coûts, singulièrement mise en évidence avec l’envolée des prix du gaz.
- Une anticipation du durcissement prévisible des normes environnementales en Europe.
- Un surcroît d’attractivité, vis-à-vis de leurs clients et de leurs salariés, actuels et futurs. Sans oublier, car c’est un phénomène qui va croissant, vis-à-vis des investisseurs.
Ainsi, la décarbonation réunit l’intérêt général et la valorisation de l’entreprise. Avec en plus la possibilité de disposer d’un accompagnement et de financements de la part de la puissance publique et des collectivités territoriales.
En fonction des situations d’entreprise, la décarbonation peut prendre des formes multiples. L’idée, selon Fiona Panico, est surtout « d’explorer tous les gisements, en conjuguant investissements à effets massifs mais différés et gestes du quotidien, à impact plus immédiat ». Le principe est d’imaginer des substitutions à la consommation d’énergies fossiles. Cela passe par la suppression des gaspillages, l’optimisation des processus et, in fine, le changement de modèle énergétique. On parle évidemment beaucoup de l’électrification, issue pourquoi pas de l’autoproduction. La récupération de la chaleur fatale, induite par le process de l’entreprise ou par celui d’un de ses voisins, constitue également une voie d’avenir pour les sites industriels.
Le carbone considéré est celui que l’on rejette directement via sa consommation d’énergies fossiles. Mais c’est aussi celui que l’on rejette indirectement, à travers ses achats de biens et de services, ses transports et ses déplacements. C’est pourquoi Fiona Panico rappelle l’importance d’une stratégie d’entreprise de décarbonation portée au plus haut niveau de l’entreprise. Car acheter localement et exiger de ses fournisseurs un engagement dans la transition énergétique est aussi important que de réduire ses propres consommations. Une étude est nécessaire pour prendre la mesure des enjeux et identifier les priorités.
Pour la transition écologique des entreprises, France Relance met 30 milliards d’euros sur la table, ciblés sur la rénovation énergétique des bâtiments, les transports, la transition agricole et les technologies vertes. Ce ‘’budget vert’’ s’ajoute aux programmes plus anciens, dont l’ADEME assure le pilotage, par exemple dans le cadre du fonds chaleur. « Nous finançons les études spécifiques, dans le cadre de projets de chaleur fatale ou de biomasse. Et BPI France et la Région Bourgogne-Franche-Comté accompagnent les efforts des entreprises à travers des subventions, dont le montant peut représenter jusqu’à 50 % du coût total ». Le dispositif Décarb Flash procède par campagnes régulières d’appels à projets. La dernière édition en date, clôturée le 3 novembre, a permis de remonter 400 dossiers dans toute la France, dont 30 en Bourgogne-Franche-Comté, pour des investissements entre 100 000 et 3 millions d’euros.
Pour les adhérents du Pôle BFCare comme pour toutes les entreprises de la Région, la porte d’entrée de la décarbonation, c’est le réseau régional de la transition écologique et économique (RT2E). « L’offre compte actuellement 37 services, proposés de façon complémentaires et organisés comme un parcours d’accompagnement de l’entreprise dans sa trajectoire environnementale. Les adhérents BFCare ont ainsi accès en un guichet unique au partenaire expert qui correspond à leur niveau de maturité. Se questionner, se situer ou encore s’engager seul ou collectivement : toutes les réponses s’obtiennent à travers RT2E », conclut Fiona Panico.
Comment Proteor gère sa décarbonation
Proteor est une ETI internationale qui compte 1 000 collaborateurs, dont un quart à l’étranger, principalement en Allemagne et aux États-Unis. Le Groupe s’appuie sur trois grands métiers :
- La personnalisation et la pose d’appareillages orthopédiques, à travers un réseau de 66 agences.
- La création et la fabrication de composants pour prothèses et orthèses.
- L’édition de solutions digitales de reconstruction 3D, sous la marque Orten, utilisées dans le réseau et commercialisées à l’international auprès de centres orthopédiques.
Stéphane Lecante, en charge d’une partie du réseau de centres d’orthopédie de Proteor, est aussi le principal animateur de la RSE à l’échelle du Groupe, dont il porte les enjeux au sein du Comex.
Anne-Clémence Coint, Chargée de Qualité HSE, conduit les projets RSE au sein du principal centre d’innovation et de production de l’entreprise, à Seurre, ainsi qu’auprès des 66 agences intégrées à l’entreprise.
Ils partagent leur expérience de la transition énergétique…
Pour aborder la décarbonation de notre supply chain, nous avons commencé par établir un diagnostic, principalement articulé entre un bilan de nos émissions de gaz à effet de serre, un audit énergétique de nos bâtiments et un audit de nos pratiques en termes de mobilité et de transport. En 2022, un plan de sobriété est venu s’ajouter à nos premières actions pour accélérer et renforcer notre réponse aux défis de réduction des consommations d’énergie et de sortie des ressources fossiles.
Un axe important des travaux que nous avons priorisés concerne notre site de production à Seurre. Un investissement de 400 000 euros permettra d’améliorer l’isolation des bâtiments et de changer de mode de chauffage au profit d’un mix pompe à chaleur et géothermie. Accompagnés par l’Apave et le cabinet Elansym pour la partie diagnostic, nous avons sollicité l’ADEME pour bénéficier d’un soutien financier dans la perspective de cet investissement.
Un autre sujet concerne les fours de thermoformage, auxquels nous avons historiquement recours dans l’usine mais aussi au sein de nos centres d’orthopédie. Notre approche est multiple pour économiser l’énergie nécessaire à la mise en température. D’abord, nous nous sommes dotés de fours très modernes et plus gros, qui mutualisent à Seurre des opérations jusqu’alors réalisées dans nos centres. Globalement, notre parc s’est donc réduit et propose un rendement énergétique de meilleure qualité, ce qui réduit doublement les consommations. Un troisième facteur de réduction de la consommation globale est le recours au digital pour éviter certains moulages.
Plus globalement, Proteor est engagé dans une transformation des comportements, afin d’exploiter les gisements d’économies à tous les niveaux. Nous attachons une importance extrême à la transversalité, en essayant d’embarquer toutes les parties prenantes. Nous mettons beaucoup de communication pour convaincre de changer et ancrer des comportements plus vertueux, comme éteindre les lumières et les ordinateurs, baisser le chauffage ou fermer les portes.
Par ailleurs, des moyens sont mis à disposition pour stimuler les meilleures pratiques. Par exemple, des véhicules électriques remplacent les véhicules thermiques en usage dans nos centres les plus importants. Ou encore, nous mettons en place un service organisé de covoiturage en appui sur le savoir-faire de la start-up Karos.
Ce n’est pas si facile de changer ses habitudes et chaque bonne pratique réellement adoptée par les salariés de l’entreprise est une petite victoire. D’autant que les résultats vraiment significatifs en termes d’économies ne seront réellement perceptibles qu’à partir de 2030. Nous avons heureusement pour nous aider à convaincre une solide tradition d’humanisme et d’engagement. Et le fait surtout que le personnel adhère en masse aux principes d’une démarche qu’ils comprennent et à la définition de laquelle nous les associons.
Mais la RSE n’est pas qu’une succession de petits gestes du quotidien. Nous avons également à cœur d’irriguer notre stratégie et notre business model. Le comex tout entier porte désormais l’idée que la RSE, et en particulier la décarbonation et la sobriété, donnent de la valeur à notre marque. L’idée aussi que la RSE représente une valeur ajoutée à terme, qu’elle ne s’oppose aucunement au développement de l’entreprise ou à notre rentabilité. Pour donner un seul exemple, l’augmentation significative de nos efforts d’élimination des déchets à la source et la rigueur du tri pratiqué à grande échelle ont permis de passer d’un ramassage mensuel à un ramassage trimestriel, divisant par trois les coûts de collecte.
La décarbonation peut aussi déboucher sur des conséquences indirectes très positives, qui ne sont pas seulement des gains financiers. Par exemple, le fait de substituer le digital aux moulages en plâtre réduit les troubles musculosquelettiques en épargnant la manipulation répétée de charges lourdes.
Ce qui importe pour réussir, c’est finalement d’articuler une vision d’entreprise à long terme avec des gestes du quotidien portés par tous les salariés. Une autre condition est l’ouverture sur l’extérieur. Auprès de nos clients, par exemple, qui nous interpellent et nous stimulent sur ces sujets. Auprès de collectifs engagés dans des réflexions autour desquelles nous avons tous beaucoup à partager. UIMM, organisations métiers et… BFCare !